L'impermanence du JE

C'est un concept central dans le bouddhisme. Suite à une investigation serrée pour tenter de dévoiler la vraie nature du JE on en vient à conclure que ni le corps, ni l'esprit, ni aucune partie de chacun d'eux, ni l'ensemble de l'un et de l'autre ne peuvent être le JE.

Le corps ne peut être JE puisqu'on dit "mon" corps signifiant par là qu'on s'en sent séparé et qu'on en revendique la propriété. Si je considère ce corps que j'habite comme étant le mien (MON corps) alors JE ne peux pas être le corps puisque le possesseur d'une partie ne peut-etre à la fois possesseur et partie.

De même pour l'esprit. Puisqu'on dit MON esprit, c'est qu'on considère que l'esprit qui nous sert pour penser et raisonner nous'appartient. JE ne peux donc être l'esprit puisqu'il en revendique la propriété.

On ne peut non plus dire qu'aucune partie du corps n'est le JE car est-il concevable d'envisager un doigt, une jambe, un cheveu, comme étant JE ?

De même sur le plan de l'esprit, les pensées peuvent-elles être le JE? C'est impossible puisqu'on dit mes pensées les identifiant ainsi comme étant séparées de soi.

Le JE ne peut non plus être une réunion de l'un et de l'autre puisqu'il vient d'être reconnu qu'il n'est ni l'un, ni l'autre. Il est donc inconcevable qu'une entité puisse résulter de la somme de deux non-entités.

On en finit par conclure de l'inexistence du JE. Le JE est un concept que mettent en place nos habitudes, une idée qu'on se fait de soi, entretenue par le biais de la mémoire et des habitudes. Nous changeons de seconde en seconde et seule la mémoire et l'entretien du concept est responsable de l'existence du JE. C'est l'impermanence du JE. Et son inexistence en tant qu'entité inhérente.

Il va sans dire que ce concept nous est utile dans la vie de tous les jours et pour entrer en relation avec les autres, mais notre vraie nature, notre nature profonde est infinie et ne se limite pas à cette forme figée du JE que nous entretenons. C'est en quelque sorte là le but de l'éveil, révélant la fonction de la position du témoin.

La méditation est l'outil privilégié pour développer cette connaissance de soi. L'enseignement de Ramana Maharshi, un grand yogi indien avait pour seule consigne la question "Qui suis-je?" Quel est ce JE qui s'approprie tout ce qu'il touche. C'est aussi l'origine de la phrase "Nous ne sommes pas séparés" reconnaissant que l'état de vacuité qu'entraîne la reconnaissance de l'inexistence du JE fait en sorte que nous sommes tout ce qui nous entoure, chaque être humain, chaque parcelle de vie est nous. C'est la nature infinie de Dieu ( la Source, le Tout, l'Innomable, le Cosmos ou tout autre synonyme... ), dont nous sommes aussi une instance, une manifestation.

À l'impermanence du JE il faut finalement ajouter l'impermanence de tous les phénomènes. Cette impermanence nous permet de réaliser que tout est différent et change constamment. L'eau qui coule sous le pont n'est jamais la même. Les pensées et les vues qu'entretiennent mon esprit sont de passage. De même les perceptions que nous entretenons du JE. Ce qui fait qu'il nous est possible d'envisager ces états de découragement, de déprime ou de dépression, lorsqu'ils se présentent comme n'étant pas réels, non permanents et destinés à passer aussi, pour peu que nous les laissions aller sans les retenir.

Retenir ces états, ces vues que l'on a de soi s'appelle la fixation du soi.

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