A ce stade, l'idée d'ordinateur se confond avec celle d'esprit et peut même être fondue à celle de possession. L'intérêt d'un tel lien est purement documentaire et ne sera révélé que pour tenter d'établir les limites extrêmes de l'idée. Par contre, lorsqu'il est question des automates au XVIIIe siècle, on établira une filiation plus certaine.
L'importance de la notion d'automate derrière l'ordinateur tient à l'une des tâches pour laquelle celui-ci sera appelé à jouer un rôle de premier plan, celle de poser des gestes répétitifs. L'ordinateur excelle dans cette tâche, incapable de découragement. L'idée d'une machine est donc étroitement liée à celle d'automation.
La mesure du temps a donc été une première source de préoccupation qui donna naissance à divers mécanismes s'étendant progressivement jusqu'à la mesure du mouvement des astres.
Après la chute de l'Empire Romain, l'Europe de la renaissance hérita des arabes la tradition des grecs et s'appliquèrent à perfectionner divers mécanismes. On vit apparaître des carillons automatiques ainsi que des jaquemarts dès le XIVe siècle. Ces premiers mécanismes peuvent être perçus comme "des dispositifs capables d'effectuer automatiquement - et donc sans aucune intervention humaine - des séquences d'opérations enchaînées suivant un processus fixé à l'avance par un organe de commande." (IFRAH, 1994, II, 532).
Les automates connurent une vogue sans précédent au XVIIIe siècle, sous l'impulsion du Français Jacques de Vaucanson. Les progrès de la technologie et de l'horlogerie rendirent possibles la réalisation de rêves de plus en plus ambitieux dont, sous la protection de Louis XV l'idée de reconstituer un homme entier avec la circulation du sang, la respiration et les divers organes.
Cet homme reconstitué ne vit jamais le jour toutefois et on connaît de Vaucanson principalement le "canard digéreur" lequel:
Il semble que si le canard reproduisait le comportement physique du canard véritable, le mécanisme de la digestion quant à lui cachait quelque duperie.
L'Autrichien Friedrich von Knauss réalisa un joueur de flageolet ainsi que quatre machines parlantes. D'autres créeront de faux automates cachant des personnes de petite taille. Les Suisses Pierre et Henri-Louis Jacquet-Droz construiront un Écrivain, une Musicienne, un Dessinateur qui méritent une brève description:
Ces divers mécanismes, pour automatiques qu'il fussent, n'offraient pas de véritable
solution pour la réalisation des ordinateurs de par le fait que le programme était inscrit à
même le mécanisme, incapable d'en dévier.
Les premiers pas dans une séparation du programme de la technologie se présente vers 1725 sur un métier à tisser. Basile Bouchon, un Lyonnais, donne ainsi des instructions à un métier à tisser utilisant une bande de papier perforé. Son assistant Falcon remplacera peu après la fragile bande de papier par une suite de cartes perforées reliées par une chaîne.
Vaucanson reprendra le métier à tisser et en fera le premier un métier entièrement automatique en remplaçant bande de papier et cartes par un cylindre métallique perforé, mû par un système hydraulique. Le métier à tisser suivait ainsi une suite d'instructions, un programme cyclique.
Mais c'est surtout de Joseph-Marie Jacquard que l'on se souviendra, qui, au début du XIXe
siècle, perfectionnera et commercialisera le métier à tisser automatique.
Joseph-Marie Jacquard avait ainsi un programme qui tissait son propre portrait. Ces découvertes auront un impact important à l'apparition des ordinateurs qui emprunteront les cartes perforées comme premier support sur lequel inscrire des programme informatique. L'idée d'un programme indépendant de la machine était née, notion d'une extrême importance dans la définition de l'ordinateur qui peut changer de vocation selon les instructions ( le programme ) qui lui sont confiées.