Tat Twam Asi

C'est le mantra que Guruji donnait à Sariputra: Tat Twam Asi, Tu es Cela

Il prit un grand papier et inscrivit en lettres bien tracées:

Tat twam asi

Cela tu l'es aussi. Tu es aussi quoi? Cela, ce qui est sans nom, sans forme, sans second unique, neutre, au-delà de toutes qualifications, au-delà du temps et de l'espace: brahman. Tu es Cela. Tu penses que tu es ce corps, ce mental, cette intelligence. Mais puisque tu dis mon corps, mon mental, mon intelligence, ce fait même montre que cela est à toi mais n'est pas toi.

Comme le disait une petite fille beaucoup plus jeune que toi à sa mère: Tu dis que tu as mal au ventre. Ce n'est pas toi qui as mal, c'est ton ventre, toi , tu n'as pas mal. Peut-être avait-elle raison de parler ainsi. Sariputra, ne pense jamais avec orgueil, je suis brahman. Pense seulement qu'en profondeur, au plus loin de toi-même, oui, tu es brahman, unique, intouché, inappréciable, au-delà des catégories mentales, au-delà de tout ce qui t'étouffe et t'empêche justement d'entrer en contact avec ce brahman que tu es. Ce n'est pas ton mental qui est brahman, ni ton ego, no ta petite personne vaniteuse qui pense moi, moi, seulement moi, pas un autre, pas pour un autre. C'est ce Vide immense que tu es au plus profond de toi, cet Être véridique qui n'est que conscience et amour. Et tu auras à te défaire, parfois au prix de difficultés douloureuses ou même insoutenables, des couches superposées de mensonges, de concepts, d'habitudes, d'égoïsme dont Il est recouvert.

Peu à peu, tu verras tout ce qu'il te faut abandonner pour pouvoir redevenir cet enfant libre que tu es véritablement. Tu veux changer parce qu'obscurément tu sens que cette souffrance, ce malaise, n'est pas ta vraie nature. Cette vie est devenue un carcan dont tu veux être libre pour retrouver en toi l'authentique bonheur sans changement, au-delà de tes joies et de tes douleurs. Tu as ce goût de paix, de contentement et de liberté, enfoui au fond de ta gorge, et ta langue ne peut le goûter pleinement, perdue que tu es dans les méandres de tes désirs, de ton plaisir, de ta peine. Pour le retrouver, le reconnaître, le redevenir et l'être à l'infini, devront tomber les couches successives qui t'empêchaient de le sentir pleinement. Ainsi de joie en douleur et de douleur en joie, de désir non comblé en désir comblé, d'expériences cruelles en expériences joyeuses, tu apprendras peu à peu à savoir que rien de cela n'est la béatitude, ni la volonté libre, ni ta véritable nature, et un jour tu sauras sans hésitation, sans aucun doute: Maintenant c'est Cela que je suis, c'est Cela que je voulais être, c'est Cela que je pressentais, Cela, et tu ne pourras aller plus loin, parce que tout sera toi, Tu seras Tout dans une vacuité qui sera aussi le Tout.


Denise Desjardins: De naissance en naissance, p. 65-66:

back